Dans un revirement notable, la chambre mixte de la Cour de cassation a jugé, le 12 mai 2025, que le manque d’indépendance du tiers acheteur dans un constat d’achat ne suffit plus, à lui seul, à entraîner la nullité du procès-verbal établi par un huissier. C’est désormais à l’appréciation du juge, in concreto, d’évaluer si ce défaut nuit à la valeur probante du constat.
Un rôle limité du tiers acheteur
Traditionnellement, la jurisprudence exigeait une stricte indépendance du tiers mandaté pour les actes de saisie-contrefaçon, compte tenu de leur caractère intrusif et de la sensibilité des données collectées. Mais pour un constat d’achat, la mission du tiers se limite à un simple acte de consommation dans un lieu ouvert au public. Il n’agit ni en qualité d’expert, ni avec un pouvoir d’analyse, mais uniquement comme vecteur de constatation sous l’autorité de l’huissier.
Une application concrète dans l'affaire Rimowa
Dans l’affaire opposant Rimowa à HP Design et Intersod, ce principe a été mis à l’épreuve. Rimowa accusait ses concurrents de contrefaçon pour la vente d’une valise ressemblant à son modèle « Limbo multiwheel ». Après un constat d’achat suivi d’une saisie-contrefaçon, la cour d’appel avait validé la procédure. Mais la Cour de cassation a cassé partiellement l’arrêt, sans remettre en cause le procès-verbal du constat, jugeant que l’indépendance imparfaite du tiers ne remettait pas en cause l’objectivité de la preuve.
Vers une évaluation contextuelle de la preuve
Ce recentrage sur l’analyse contextuelle marque un tournant dans l’appréciation judiciaire de la loyauté de la preuve. Le juge n’est plus tenu de sanctionner mécaniquement une irrégularité de forme dès lors que l’intégrité des constatations n’est pas compromise. Une évolution bienvenue qui aligne la pratique du constat d’achat sur une logique de proportionnalité et d’efficacité de la preuve.
Cette décision de la Cour de cassation (Cass. ch. mixte, 12 mai 2025, n° 22-20.739, B+R) apporte ainsi plus de souplesse aux requérants tout en confirmant le rôle central du juge dans l’évaluation de la fiabilité des preuves produites. Un pas de plus vers une justice pragmatique et adaptée aux réalités de terrain. |